- THEME
Processus
coopératifs et workflow
Le
principe du « management scientifique » fondé
par F.W. Taylor (1911) visait l'utilisation d'une main d'uvre
peu qualifiée grâce à une parcellisation
des tâches. L'organisation résultante aboutit
à une division verticale du travail basée sur
des structures fonctionnelles à l'intérieur
d'un réseau hiérarchique parfois complexe.
Par
opposition, l'organisation horizontale
correspond à un tassement de la structure hiérarchique.
Elle privilégie la communication et la capacité
à réagir immédiatement devant les changements
permanents de l'environnement. Elle est basée sur les
processus correspondant à des « équipes
de projets » à l'opposée de l'entreprise
verticale basée sur les fonctions. Un processus
est un ensemble d'activités qui, à partir d'une
ou plusieurs entrées, produit un résultat représentant
une valeur pour un client interne ou externe [Hammer, 1993].
La
démarche qui consiste en un remodelage complet de l'organisation
autour de ses processus est appelée « Business
Process Reengineering » (BPR) par M. Hammer et J. Champy
[Hammer, 1990], [Hammer, 1993]. L'objectif principal du BPR
est d'accroître la satisfaction du client. La démarche
vise la réduction des coûts internes, l'amélioration
de la qualité des produits et des services, l'utilisation
optimale des compétences de chacun, la réduction
des délais, l'amélioration du taux de valeur
ajoutée, l'accroissement de la réactivité
grâce à l'écrasement des niveaux hiérarchiques.
Les
outils de workflow se présentent
comme une réponse technologique idéale pour
répondre aux objectifs fixés par une activité
de réingénierie.
Les
applications workflow automatisent la gestion des flux d'information
suivant les spécifications d'un processus donné.
Les tâches de traitement de l'information passent d'une
personne à une autre selon un circuit conditionnel
bien défini. L'application présente à
l'utilisateur les informations nécessaires pour effectuer
sa tâche, avant que le processus ne suive son cours
vers l'étape suivante. Parmi les définitions
orientées « offre logicielle », celle de
S. Soubbaramayer [Soubbaramayer, 1994] nous semble la plus
complète : «ensemble
de logiciels pro-actifs qui permettent de gérer les
procédures de travail, de coordonner les charges et
les ressources et de superviser le déroulement des
tâches ». Le terme « pro-actif
» caractérise parfaitement les logiciels de workflow.
Il signifie que ce n'est pas l'utilisateur qui invoque le
logiciel mais l'inverse.
Les
possibilités offertes par les outils de workflow sont
principalement de trois ordres :
- un
guidage rigoureux des procédures
- un
contrôle du flux de travail
- un
maximum d'automatisation
Motivation
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Les
pertes annuelles des entreprises françaises dues à
la "non-qualité" étaient estimées
officiellement à près de 10% de leur chiffre d'affaires
global en 1992, soit environ 400 milliards de francs. Ce chiffre
représentait un tiers du budget annuel de l'état.
Ces coûts ne prennent le plus souvent en compte que ce
qui est mesuré ou estimé, ce qui correspond au
coûts "traditionnels" de non-qualité,
et pratiquement jamais les coûts cachés, liés
à des erreurs administratives, des circuits mal étudiés,
des pertes de temps et des retards. On doit à Feigenbaum
[FEIG 84] l'image de l'« usine cachée » qui
consacre son activité à "produire" des
défauts et à exercer des actions correctives.
Les outils
de workflow peuvent contribuer à atteindre les standards
de qualité prédéfinis dans la norme
ISO 9000. Le contrôle de la conformité à
cette norme, que l'on peut résumer par « écrire
ce que l'on fait, faire ce que l'on écrit et prouver
ce que l'on a fait », passe par une gestion rigoureuse
des documents constituant le manuel qualité et par l'amélioration
du système grâce à un contrôle de
l'enchaînement des procédures. En favorisant les
étapes de contrôle, les suivis et en augmentant
le niveau de sécurité des procédures établies,
les outils de workflow rejoignent les préoccupations
d'un nombre croissant d'entreprises sur la qualité de
leurs services. L'utilisation d'un outil de workflow peut constituer
un gage de constance dans l'exécution des procédures
de travail, permettant d'éviter les risques de régression
et d'obtenir des mesures sur les procédures.
D'un point de vue structurel, on considère
généralement qu'il existe deux
types de processus. Les premiers, dits ad-hoc,
ont la caractéristique d'être occasionnels
et peu structurés. La principale préoccupation
de ce type de processus se situe au niveau du partage
de l'information et du savoir entre les membres d'un
groupe, beaucoup plus que sur la coordination de leurs activités.
Les besoins sont donc plus axés sur la communication.
Les logiciels de groupe (autre que les systèmes de gestion
de workflow) sont parfaitement adaptés à ce type
de situation. Lotus Notes est devenu un standard de fait de
cette catégorie. Des outils plus récents, par
exemple Groove, semblent aussi offrir des plate-formes avec
des composants de fonctionnalités diverses. En revanche,
les systèmes de gestion de workflow,
avec leur moteurs d'exécution de processus, trouvent
pleinement leur efficacité pour des processus
structurés, répétitifs, dont les
besoins en coordination et en automatisation
sont importants.
Le workflow peut être envisagé
comme l'intégration de deux niveaux
d'automatisation. Le premier correspond
à l'ordre de travail qui planifie et assigne le travail
en se basant sur la détermination du moment adéquat,
de la personne adéquate et des ressources adéquates,
comme les définissent les règles de gestion de
l'entreprise. Le second correspond à
la distribution du travail vers les applications plus traditionnelles.
Pratiquement,
chaque outil de workflow propose son propre modèle
pour représenter une procédure. Si les modèles
sont nombreux, les études théoriques qui
sont à leur base le sont beaucoup moins. Deux courants
se distinguent: |
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-
les modèles issus des réseaux de Petri , |
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-
les modèles issus de la théorie des actes
du langage (Speech Act Theory) [Searle, 1969], [Searle,
1975], [Winograd, 1988]. |
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Les
deux modèles majeurs ICN [Ellis, 1979] et
Action [Medina-Mora, 1992] résultants de ces courants
utilisent une approche « top-down » qui permet
de choisir le niveau de détail dans la représentation
et de modéliser une procédure complexe par
raffinements successifs. Ils ont aussi la même finalité
: diviser un processus en un nombre fini d'étapes
et en décrire l'enchaînement. |
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Ce
point est fondamental. La difficulté principale
dans l'analyse d'un processus consiste à déterminer
l'ensemble des tâches qui le composent, autrement
dit à trouver la bonne granularité des tâches |
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Objectifs |
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Les
outils de travail coopératif constituent une aide
à la mise en place des organisations modernes basées
sur des structures horizontales. Leur impact sur l'organisation
du travail est importante. Cependant, la plupart des méthodes
actuelles de conception de systèmes d'information
sont trop orientées vers l'organisation des données
et l'automatisation des traitements et non vers l'organisation
du travail des hommes. |
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L'objectif
d'une analyse workflow est de trouver le bon découpage
d'un processus en étapes afin d'en automatiser
l'enchaînement. Un modèle,
aussi parfait soit-il, ne permet que la représentation
de la solution choisie. Sans l'utilisation d'une méthode
appropriée, il ne peut nous aider à construire
cette solution. Une méthode complète devrait
:
- permettre
de déterminer si un outil de type workflow
est adapté pour automatiser le déroulement
du processus étudié et s'il est avantageux
de le faire
- être
suffisamment générale pour permettre
de modéliser n'importe quel processus même
s'il comporte des étapes qui ne peuvent pas
être contrôlés par un workflow
- prendre
en charge l'analyse depuis l'identification des processus
jusqu'à la modélisation des procédures
dont on veut automatiser le déroulement
- raisonner
sur les objectifs à atteindre et non sur les
fonctions réalisées par les différents
services d'un organisme
- permettre
d'aborder des organisations complexes dont les processus
ne sont pas clairement définis.
Cette
étude est justifiée par le fait qu'il
n'existe pas de méthode spécifique supportant
l'analyse et la conception de systèmes d'information
coopératifs. L'objectif n'est pas de construire
une nouvelle méthode répondant aux besoins
des applications supportant le travail coopératif,
mais d'utiliser au mieux les méthodes existantes.
Il n'est pas non plus utile d'avoir une méthode
trop spécifique qui ne s'applique qu'au développement
d'applications workflow. Il est préférable
d'avoir une méthode suffisamment générale
qui permette d'analyser n'importe quel travail de groupe.
En effet, de nombreuses raisons organisationnelles justifient
l'utilisation conjointe des outils de workflow et des
autres types de logiciels de groupe [Nurcan, 1996a],
[Nurcan, 1998b] .
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Le
travail coopératif et la démarche qualité
ne sont pas dissociables de la reconfiguration des processus
de travail, plus communément appelé Business
Process Reengineering (BPR). L'objectif de cette recherche
est de construire une démarche complète, partant
de la refonte des processus de travail coopératifs
et couvrant le cycle de vie d'une application jusqu'à
la conception de la solution choisie.
Il
est nécessaire de mettre en évidence les spécificités
des systèmes d'information coopératifs en vue
d'en tenir compte le plus tôt possible dans leur conception.
Dans [Nurcan1998a], [Nurcan1996d], [Nurcan1995a] , [Nurcan1995b]
ont été proposés
- une
démarche d'analyse et de conception associant
le workflow et les autres situations du travail coopératif,
et
- des
modèles permettant de représenter les interactions
entre coopérants qu'il s'agisse d'interactions synchrones
ou asynchrones, formelles ou informelles.
Les
outils de workflow contribuent aussi à atteindre les
standards définis dans les normes ISO 9000 en fournissant
les moyens nécessaires à l'introduction de la
qualité dans les processus de travail [Nurcan1996b],
[Nurcan2000a]. Cependant la rigidité de l'exécution
requise par ces normes et assurée par la plupart des
outils workflow commercialisés ne convient pas à
tous les types de travail coopératif.
En
effet, les processus de travail prédéfinis
et bien structurés et les processus de travail émergents
et peu/pas structurés co-existent dans les organisations,
comme illustré à la Figure 2. L'environnement
de modélisation et d'exécution doit pouvoir
gérer ces deux types de processus coopératifs
[Nurcan1996d], [Nurcan1995b]. Il doit aussi rendre transparent
à l'utilisateur la transition entre les différents
types d'activités . Ceci nécessite homogénéité
et cohérence des concepts et l'interopérabilité
des outils utilisés.
Nous
avons considéré de nombreuses approches de modélisation
de processus coopératifs. Cette étude [Nurcan1998b]
a montré une convergence vers un ensemble de concepts
tels que procédure, tâche, rôle, acteur,
but (ce dernier étant souvent absent) pour la modélisation
de processus structurés. Cependant, un modèle
de représentation de processus coopératifs doit
aussi offrir la possibilité de modéliser des
processus peu (ou pas) structurés. Nous avons étendu
le méta-modèle de processus de NATURE
afin de le rendre utilisable pour la
représentation, aussi bien des processus coopératifs
prédéfinis, dits de production, que des processus
émergents, dits ad-hoc [Nurcan1998c], [Nurcan1997a],
[Nurcan1997b], [Nurcan1996c].
Le
méta-modèle de processus
coopératif qui résulte de cette extension
est montré à la Figure 1. Il nous permet de:
- représenter
les processus de travail coopératifs
-
intégrer la notion de conversation entre acteurs
- guider
et tracer les sessions coopératives non structurées
- modéliser
l'émergence de nouveaux contextes
Nous
avons ainsi introduit l'ensemble minimal de concepts requis
pour spécifier les processus coopératifs. Ces
concepts pourraient être étendus pour répondre
à des besoins spécifiques comme par exemple
la définition de la hiérarchie de rôles
dans une organisation.
Figure
1
: Méta-modèle de processus coopératif |
|
Des
travaux récents soulignent les besoins des organisations
en terme de workflow flexible et adaptable. Pour répondre
à ces besoins, une approche prometteuse consiste
à considérer un workflow comme une
collection dynamique de processus coopérants qui
doivent être dynamiquement regroupés selon
le contexte courant. Les travaux actuels dans ce domaine
confient le regroupement dynamique des processus et la
gestion de leur performance collective à la charge
de composants intelligents appelés aussi 'Software
Agents'. Nos travaux futurs consistent à mesurer
l'aptitude du Méta-Modèle de Carte de Processus
[Rolland, 1999] pour la conception d'applications workflow
adaptatives, flexibles et dynamiques, intra ou inter organisations
et à identifier son adéquation pour les
différents types de workflow (production, administratif,
ad hoc,
). Ceci nous conduira à apporter
les extensions qui pourraient s'avérer nécessaires
au Méta-Modèle de Carte de Processus ainsi
qu'au Méta-Modèle de Processus Coopératif
proposé dans [Nurcan1998c], [Nurcan1997a], [Nurcan1997b],
[Nurcan1996c] . |
|
Figure
2 : Un
processus workflow qui contrôle des activités
individuelles et cooperatives |
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L'état
de l'art sur les modèles de processus et les modèles
de workflow présenté dans [Nurcan1998b] aboutissait
sur une synthèse des modèles étudiés.
Le modèle de synthèse
proposé (voir Figure 3) permet de représenter
aussi bien les processus structurés
que les processus ad-hoc.
Il offre des concepts pour décrire
les processus par leurs contributions à l'accomplissement
des objectifs de l'organisation et par leurs
dépendances avec d'autres
processus pour des ressources organisationnelles
qui peuvent être des ressources physiques ou
informationnelles.
Par
ailleurs, ce modèle fait ressortir la différence
entre les deux types de processus structurés et non
structurés en offrant des concepts permettant la structuration
des premiers en termes d'enchaînements de tâches
élémentaires exécutées par
des rôles joués par des acteurs
et la représentation des autres en termes de ressources
organisationnelles manipulées, rôles et
acteurs impliqués. En effet, un processus organisationnel
est exécuté par plusieurs acteurs ayant des
rôles bien définis dans cette organisation. La
réalisation de ces processus requiert l'utilisation
de ressources organisationnelles. Dans le cas d'un processus
structuré, le concepteur est en mesure d'associer ces
rôles et ces ressources aux tâches qui composent
le processus. Pour un processus ad-hoc, les rôles qui
interviennent dans le processus et les ressources manipulées
sont directement associés au processus, puisqu'il est
impossible de définir ce processus ad-hoc comme un
enchaînement de tâches.
La représentation que l'on peut
faire grâce à ce modèle pour les processus
peu ou pas structurés consiste, d'une part, à
identifier les objectifs organisationnels que le processus
permet d'atteindre, le rôle qui est responsable de son
exécution, ses interdépendances avec les autres
processus, et d'autre part à définir les ressources
qu'il utilise et/ou qu'il produit et les rôles (et les
acteurs) qui participent à son exécution. Cette
représentation pourrait être étendue,
voire enrichie, en ayant recours à d'autres modèles,
comme par exemple des modèles d'argumentation.
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Figure
3 : Un
modèle générique pour la représentation
de processus coopératifs |
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