- THEME
Conception
des systèmes d'information coopératifs
Depuis
1992, je m'intéresse à la collectique dont l'objectif
est de construire une technologie supportée par ordinateur
pour toutes les formes de travail de groupe qui impliquent
souvent des modifications importantes dans l'organisation.
Le
travail coopératif, dans sa définition la plus
large, fait l'objet d'un champ d'étude pluridisciplinaire
appelé Computer Supported Cooperative Work (CSCW) littéralement
<<Travail Coopératif Supporté par Ordinateur>>.
Cette discipline étudie les mécanismes individuels
et collectifs du travail de groupe et recherche comment les
technologies de l'information et de la communication peuvent
faciliter ce travail.
Ma
recherche porte plus particulièrement sur l'analyse
et la conception de systèmes d'information coopératifs.
De
1992 à 1993, j'ai participé au projet Téléprésence
de la Région Rhône-Alpes comportant 3 parties :
-
le multimédia et son intégration dans une architecture de
travail coopératif,
-
la vidéoconférence et ses différents champs d'application,
- le
travail coopératif. C'est
dans cette dernière partie que je me suis impliquée.
La
recherche proposée avait pour objectif d'étudier les interactions
mises en jeu dans le travail coopératif, plus particulièrement
dans sa modalité de télé-tutorat. Le projet s'est attaché
à préciser les conditions qui rendent possible ce type de
travail coopératif à distance par l'intermédiaire d'outils
les plus adaptatifs et avec des contraintes d'efficacité proches
de celles d'une relation face à face.
Deux
mémoires de DEA , que j'ai co-encadrés, ont été réalisés dans
le contexte de ce travail à l'INSA de Lyon. Ils concernent
l'étude des différentes possibilités pour l'élaboration d'un
logiciel associant l'enseignement par ordinateur, le groupware
et le co-apprentissage. Ces travaux se sont terminés par les
spécifications d'un outil de télé-tutorat intégrant des fonctionnalités
indispensables dans le travail à distance (partage d'écran,
messagerie…). Une maquette a été réalisée sous Unix.
En
juin 1993, j'ai participé activement à l'initialisation du
projet MEGA (Methodology for the Engineering of Group based
Applications) dont j'ai été la responsable jusqu'à mon départ
du LISI en septembre 1995. Le projet MEGA s'est intéressé
à la conception de systèmes d'information coopératifs. La
problématique du travail coopératif dans les systèmes d'information
peut être vue sous deux angles:
-
La co-conception coopérative de systèmes d'information :
similaire à la co-conception dans d'autres domaines (par
exemple la CAO)
-
La conception de systèmes d'information intégrant le travail
coopératif, qui nous a paru plus originale à ce moment
parce qu'elle n'avait pas été explorée jusqu'alors.
De
juin 1994 jusqu'en juillet 1995, j'ai participé à un projet
commun à la société EVER et au LISI répondant à l'appel d'offre
pour le projet "Bureau du futur" du ministère de l'industrie.
Ce projet avait pour objectif de construire un système intégrant
des technologies existantes pour fournir un système d'aide
à l'élaboration coopérative de documents. Le système PRINCE
(PRoduction INtelligente et Coopérative de documents en Entreprise)
se situe dans un cadre de processus de production de documents
qui peut se définir comme un enchaînement des étapes de rédaction,
de relecture, d'approbation. Il s'articulait autour des trois
grandes fonctionnalités suivantes:
- La
rédaction multi-acteurs de documents multimédia,
- Le
travail coopératif et l'assurance qualité,
- Le
contrôle de cohérence a posteriori et gestion des liens
avec le système d'information.
Dans
ce projet, j'étais responsable de la réalisation du système
"Travail coopératif et assurance qualité". Le module du système
PRINCE, dont nous avions la charge, pose les éléments de base
pour l'intégration des normes ISO 9000. Il gère les règles
de production et les acteurs en fonction des différents types
de documents. En utilisant le logiciel de workflow de Bull
(FlowPath) et le logiciel de groupe (Notes) de Lotus, nous
avons développée des maquettes définissant des modèles de
procédures de production de documents.
Les
systèmes d'information coopératifs mettent en
oeuvre des techniques de workflow et plus généralement
de groupware (logiciel de groupe, collecticiel).
Il me semble important de donner une définition précise
du terme workflow (la gestion automatique du flux de travail)
en le situant par rapport aux autres disciplines du travail
de groupe que sont le collecticiel et le CSCW. Le workflow
peut être défini comme un travail coopératif
impliquant un nombre limité de personnes devant accomplir,
en un temps limité, des tâches articulées
autour d'une procédure définie et ayant un objectif
global. Dans le cas du workflow, le terme travail coopératif
signifie que plusieurs personnes sont impliquées
pour atteindre l'objectif global, mais à des étapes
différentes du déroulement du travail et cela
individuellement à partir du moment où la personne
"prend" la tâche.
Les
outils de travail coopératif constituent une aide à
la mise en place des organisations de demain, basées
sur des structures horizontales. Leur impact sur l'organisation
du travail est importante. Cependant, dans les années
1990, la plupart des méthodes de conception de systèmes
d'information étaient trop orientées vers l'organisation
des données et l'automatisation des traitements et
non vers l'organisation du travail des hommes. Depuis d'autres
méthodes, plus orientées vers la modélisation
de l'organisation au service de laquelle le SI doit être
construit, ont vu le jour.
Il
était donc nécessaire de mettre en évidence
les spécificités des systèmes d'information
coopératifs en vue d'en tenir compte le plus tôt
possible dans leur conception. En 1994, dans le cadre du projet
MEGA, j'ai réalisé une étude des méthodes d'analyse et de
conception de systèmes d'information les plus courantes, en
collaboration avec deux étudiants en mémoire d'Ingénieur CNAM
que j'ai encadrés. Cette étude a permis de constater que la
plupart des méthodes étaient inadaptées pour réaliser
l'étude préalable nécessaire au développement d'applications
workflow; elles étaient trop orientées vers l'organisation
des données et l'automatisation des traitements et non vers
l'organisation du travail des hommes. Les aspects organisationnels
y étaient envisagés de façon parcellaire. Les insuffisances
de ces méthodes nous ont conduit à investiguer des méthodes
moins utilisées mais correspondant plus à nos attentes. C'est
ainsi que nous avons découvert la méthode OSSAD qui se démarquait
de cette tendance. Le principe de contingence proposé par
OSSAD indique que cette méthodologie s'adapte aux conditions
environnantes pour produire une méthode. J'ai exploité ce
principe afin de construire la méthode CISAD. Pour représenter
la relation client/fournisseur présente dans tout travail,
j'ai adapté à OSSAD le principe de la relation client/fournisseur.
Ceci m'a amené à proposer des variantes pour le modèle descriptif
de rôles et le modèle descriptif d'opérations. J'ai aussi
ajouté un schéma de circulation de documents pour la conception
d'applications workflow.
Dans
[N98a] , [N96d]
, [N95a] , [N95b]
, j'ai ainsi proposé une démarche (Cooperative
Information Systems Analysis and Design : CISAD) d'analyse
et de conception associant le workflow et les autres situations
du travail coopératif, et des modèles
permettant de représenter les interactions entre coopérants
qu'il s'agisse d'interactions synchrones ou asynchrones, formelles
ou informelles. La dimension organisationnelle que j'ai ajoutée
à OSSAD fournit à l'analyste un fil conducteur pour mener
une étude complète au niveau descriptif. Cette dimension apporte
une vision sur l'organisation du travail qui n'aurait pas
été représentée par une approche fonctionnelle. Elle permet
notamment de mettre en évidence certaines tâches qui doivent
leur existence uniquement à l'organisation mise en place (vérifications,
validations…) et qui peuvent être supprimées si elles n'ont
pas de valeur ajoutée. La dimension organisationnelle permet
aussi de mieux repérer les dysfonctionnements induits par
l'organisation du travail. Elle constitue un élément de réflexion
important pour conduire une activité de reengineering.
Cette
étude était justifiée par le fait qu'il
n'existait pas de méthode spécifique supportant
l'analyse et la conception de systèmes d'information
coopératifs. Mon objectif n'était pas de construire
une nouvelle méthode répondant aux besoins des
applications supportant le travail coopératif, mais
d'utiliser au mieux les méthodes existantes. Il n'est
pas non plus utile d'avoir une méthode trop spécifique
qui ne s'applique qu'au développement d'applications
workflow. Il est préférable d'avoir une méthode
suffisamment générale qui permette d'analyser
n'importe quel travail de groupe. En effet, de nombreuses
raisons organisationnelles justifient l'utilisation conjointe
des outils de workflow et des autres types de logiciels de
groupe [N96a] , [N98b]
.
Par
la suite, j'ai étudié de quelle manière les outils de travail
coopératif peuvent contribuer à atteindre les standards de
qualité prédéfinis dans la norme ISO 9000 [N96b].
Le but de cette étude était de pouvoir prendre en compte ces
exigences pendant la phase de conception et d'enrichir la
méthode de conception d'applications coopératives (développée
précédemment) en conséquence.
En
effet, les
outils de workflow peuvent contribuer aussi à atteindre
les standards définis dans les normes ISO 9000 en fournissant
les moyens nécessaires à l'introduction de la
qualité dans les processus de travail [N96b].
Cependant la rigidité de l'exécution requise
par ces normes et assurée par la plupart des outils
workflow ne convient pas à tous les types de travail
coopératif. Au CRI, nous développons des modèles
de représentation et des solutions techniques capables
de supporter aussi bien les processus coopératifs prédéfinis,
dits de production, que des processus émergents, dits
ad-hoc [N98e] ,
[N97d] , [N97b]
, [N96c].
Le
travail coopératif et la démarche qualité
ne sont pas dissociables de la reconfiguration des processus
de travail, plus communément appelé Business
Process Reengineering (BPR). Mon objectif est de construire
une démarche complète, partant de la refonte
des processus de travail coopératifs et couvrant le
cycle de vie d'une application jusqu'à la conception
de la solution choisie [N98a]
, [N98b] , [N99a]
, [N99b].
De
1997 à 1998, j'ai participé , au projet ESPRIT
Européen CREWS (long term research project, N° 21903, Cooperative
Requirements Engineering With Scenarios). Ce projet avait
comme objectifs le développement, l'évaluation et la démonstration
de l'applicabilité des méthodes et outils pour l'élicitation
et la validation coopératives des besoins par les scénarios.
En effet, au fur et à mesure que les technologies de l'information
deviennent totalement intégrées aux organisations, plus d'acteurs
étant moins familiers avec des formalismes de modélisation
doivent être impliqués dans l'élicitation et la validation
des besoins de manière traçable. De plus, les systèmes ainsi
construits doivent être adaptables et adaptés aux changements
des pratiques et des besoins. L'implication des utilisateurs
lors de la spécification des besoins est désormais communément
acceptée. La spécification des besoins décrit de manière abstraite
un monde futur réel sur lequel les personnes concernées par
le système et les concepteurs sont arrivés à un accord. L'ingénierie
des besoins est donc un processus coopératif. Dans [N98d],
nous avons appliqué la démarche que nous avons développé dans
CREWS à un processus de travail de l'organisation de distribution
de l'électricité que nous étudions dans ELEKTRA.
-
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